Lobbies industriels contre paysans
...Philippe Desbrosses, agriculteur, auteur d’une thèse de doctorat sur le lupin, a été l’un des principaux acteurs de la tentative de réintroduction du lupin en France au début des années 1980. « Lorsque l’on réalise que le lupin, par exemple, peut non seulement diminuer nos importations de soja mais aussi diminuer notablement notre consommation d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires, on comprend aisément les barrages mis en place depuis 20 ans face à cette opportunité. Les lobbies industriels sont très puissants, et ils influencent nos hommes politiques. Les firmes qui commercialisent des OGM ne voient pas non plus d’un bon oeil ces possibilités de remplacement du soja dans l’alimentation du bétail. » Pour Philippe Desbrosses, il ne reste maintenant qu’à attendre « l ’apogée de la crise alimentaire, et la rélocalisation de l’agriculture, qui s’imposera alors. »
Changement des modes de consommation
Si la substitution est possible, elle n’est évidemment pas la seule option à retenir. La fin de la dépendance au soja, c’est aussi, voire avant tout, une révision du modèle agricole dominant qui permettra de diminuer et de relocaliser nos besoins en protéines. « Nous ne nous sommes pas contentés de supprimer le soja pour nos porcs, reprend Serge. Nous avons repensé la globalité de notre activité et sommes passés en polyculture élevage bio, avec transformation et vente directe de tous nos produits : huile de tournesol, pain, viande fraîche et charcuterie. Cette diversification de notre activité était indispensable pour garantir une rémunération correcte. Nous avons augmenté notre temps de travail, mais sécurisé notre rémunération, puisque nous fixons nous mêmes les prix et sommes en vente directe. » En plus d’une indispensable désintensification des élevages, et de la relocalisation du marché de l’alimentation, il faut absolument revoir nos habitudes de consommation, en commençant par diminuer notre consommation de viande, pour la remplacer par des protéines végétales (lentilles, pois, fèves, haricots secs, etc). En plus de lutter très concrètement contre un système de production absurde, cette diminution de la part carnée de l’alimentation permet d’acheter, de temps en temps, de la très bonne viande, sans pesticides, sans antibiotiques, et garantie 100 % sans soja OGM importés du Brésil ou des Etats-Unis.
Nolwenn Weiler